Nouveau nucléaire : pour l’État et EDF s’ouvrent six mois décisifs

L’amour n’a pas duré trois ans. Nommé en novembre 2022, le PDG d’EDF, Luc Rémont, a été remercié le 21 mars. L’ancien haut fonctionnaire et banquier d’affaires avait rapidement engagé le rapport de force avec le gouvernement sur plusieurs dossiers majeurs, dont la régulation du marché de l’électricité et le programme de nouveau nucléaire français. C’est en particulier la conduite de ce dernier qui a entraîné sa chute.

Après plusieurs mois d’âpres négociations, et malgré l’absence de devis consolidé, l’État et EDF peaufinent le mécanisme de financement du programme du nouveau nucléaire français. Selon nos informations, le partage des risques et des coûts entre l’État et l’électricien sera approuvé lors du Conseil de politique nucléaire prévu le 19 mars. Les réunions s’enchaînent pour arbitrer les derniers paramètres et préparer la présentation du dispositif à la Commission européenne, qui devra valider l’aide d’État.

Depuis qu’il a perdu l’appel d’offres pour la construction de deux nouveaux réacteurs nucléaires sur le site tchèque de Dukovany, EDF s’agite sur tous les terrains – et notamment à Bruxelles – pour « tirer la sonnette d’alarme » et empêcher la signature du contrat avec le sud-coréen KHNP. Le français dénonce une concurrence faussée par un soutien public coréen. Pour EDF, l’enjeu dépasse ce seul projet : il y va de l’avenir de la filière nucléaire européenne, affirme l’énergéticien français. Mais, pour l’heure, la Commission européenne regarde ailleurs.

« Surcoûts, retards et incertitudes » : la filière nucléaire est « loin d’être prête » à mener le programme du nouveau nucléaire français et fait face à des défis « préoccupants », constate la Cour des comptes dans un rapport sur la filière EPR publié ce 14 janvier.

Contexte publie l’accord État-EDF de novembre 2023, qui établit la régulation du parc nucléaire historique et les contours de la nouvelle politique commerciale de l’électricien. Près d’un an après sa présentation et surtout à un an de la fin de l’Arenh, les grands objectifs de cet accord ne sont toujours pas atteints – ou très partiellement. Le gouvernement, qui prévoit d’en faire le bilan à la fin du mois, a désormais deux options : donner un délai supplémentaire à EDF pour prouver que sa solution fonctionne, ou revenir sur l’accord et établir un autre schéma de régulation.

Même s’il se dit officiellement dans l’incapacité de prendre des arbitrages politiques, le gouvernement a profité de l’entre-deux-tours des élections législatives pour expédier les affaires courantes. Mais en l’absence de majorité claire à l’issue des élections législatives anticipées, les retards pourraient encore s’allonger sur d’autres dossiers pressants.