Ce 7 mars, la révision de la convention de Berne sur la protection de la vie sauvage en Europe est entrée en vigueur. À la demande de l’UE, le loup est alors descendu d’un cran sur l’échelle de protection des espèces, passant de « strictement protégé » à « protégé ».
Mais, pour que ce changement soit effectif dans le droit de l’Union européenne, il faut encore modifier la directive habitats. Dans ce texte adopté en 1992, le loup figure toujours à l’annexe IV, qui liste les espèces « nécessitant une protection stricte ».
Dès le mois de décembre 2024, la Commission européenne avait affiché son intention de proposer une révision « ciblée » de la directive dès que la nouvelle version de la convention serait entrée en vigueur. Selon nos informations, cette proposition devrait être présentée dès ce vendredi 7 mars.
Inquiétudes
Les défenseurs de l’environnement, qui contestent depuis des mois l’affaiblissement de la protection du loup, ne sont pas rassurés de voir la directive habitats placée sous le feu des projecteurs.
Pour être adoptée, la proposition de révision de la directive devra en effet être examinée par le Parlement européen – où l’extrême droite est entrée en force en 2024 – et par les États membres – dominés par les conservateurs. « Nous craignons qu’au Parlement européen, les groupes conservateurs déposent des amendements ciblant des articles clés de la directive habitats », confie ainsi Sabien Leemans, du WWF.
« Je pense que si la directive habitats est rouverte, il y a un risque important pour l’essence même de l’ensemble de la législation. En effet, nous constatons dans tous les autres dossiers [environnementaux] qui sont rouverts que l’affaiblissement est conséquent », ajoute Ioannis Agapakis, de l’ONG ClientEarth.
Or, la directive est considérée par beaucoup « comme le pilier de la législation de l’UE en matière de biodiversité », souligne cet avocat. Avec la directive oiseaux, de 1979, elle constitue le cadre réglementaire européen sur lequel reposent les zones protégées de l’UE : le réseau Natura 2000. En outre, d’autres textes législatifs, tels que la directive-cadre sur l’eau, la directive-cadre sur la stratégie des milieux marins et le règlement sur la restauration de la nature dépendent de ce texte pour être mis en œuvre.
Début janvier, Jessika Roswall, commissaire à l’Environnement, avait bien tenté de calmer les inquiétudes, excluant de nouvelles modifications de la convention de Berne sur d’autres espèces et donc, une révision plus large de la directive habitats.
Mais les exemples récents ne sont pas de nature à rassurer nos interlocuteurs : en octobre 2024, l’exécutif européen avait présenté une proposition de révision ciblée du règlement sur la déforestation afin de reporter l’entrée en vigueur du texte. Au Parlement européen, les élus conservateurs et d’extrême droite s’étaient engouffrés dans la brèche pour tenter de modifier le contenu du texte et d’en affaiblir l’ambition, faisant la démonstration qu’ils disposaient aussi désormais d’une majorité au sein de l’hémicycle (relire notre article).
La droite envisage une révision plus large
Au cours des derniers mois, plusieurs États membres et élus conservateurs ou d’extrême droite ont d’ailleurs défendu une révision plus large de la directive. La protection des ours, des lynx ou encore, des phoques, devrait également être revue à la baisse ont, par exemple, argumenté plusieurs États. Durant la campagne des élections européennes, le Parti populaire européen (PPE, droite) avait également défendu une révision de la directive – mais sans en préciser les contours.
Contacté par Contexte, le 5 mars, Peter Liese, coordinateur du PPE au sein de la commission de l’Environnement du Parlement n’a pas fermé la porte à une révision plus large de la directive. Au sein de son groupe, « il y a clairement l’idée qu’il faut s’intéresser aux autres espèces », reconnaît-il. Toutefois, l’élu allemand ne recommande pas de déposer ou de soutenir des amendements à la proposition de la Commission sur le loup. Il prône une approche progressive :
« Nous avons besoin d’une approche en deux étapes. La question des loups est très urgente et nous avons besoin d’une solution rapide. Dans l’immédiat, il serait donc sage d’adopter un amendement ciblé [de la directive] pour modifier le statut du loup. Il faudrait ensuite évaluer soigneusement la situation des autres espèces. Mais je pense qu’il ne serait pas sage de mélanger les choses dès maintenant. »
Reste à voir s’il sera suivi par le reste de son groupe.