Cet article a été mis à jour le 17 juillet pour ajouter les documents budgétaires mis en ligne plus tardivement.
Après de longues tractations, un peu plus ardues que prévu, la Commission européenne a dévoilé le 16 juillet au soir sa proposition de budget européen pour la période 2028-2034, pour un total de 1 980 milliards d’euros.
Pour le secteur de l’énergie, il y a des centaines de milliards sur la table, en réponse aux nombreux défis climatiques et de compétitivité auxquels l’Union est confrontée.
Le paquet représente 1,26 % du revenu national brut de l’UE, en augmentation par rapport à l’actuel Cadre financier pluriannuel (CFP) qui régit la période 2021-2027.
« Avec ce nouveau budget à long terme de l’UE, nous faisons un grand pas vers la réalisation des principaux objectifs de notre politique énergétique », a affirmé le commissaire à l’énergie, Dan Jørgensen, vantant un budget conçu pour aider l’UE à « faire baisser les prix de l’énergie, à décarboner et à devenir plus indépendante sur le plan énergétique ».
Reste à savoir ce qui survivra aux ciseaux des législateurs. Les États membres, toujours réticents à délier les cordons de la bourse, vont probablement réduire les ambitions de la Commission lors des négociations à venir.
Sauf indication contraire, tous les montants relatifs au budget actuel sont exprimés en euros de 2018, ce qui signifie qu’ils ne tiennent pas compte de l’inflation, particulièrement forte ces dernières années. Selon les statistiques officielles de l’UE, l’inflation entre 2018 et 2024 s’est située autour de 25 % dans les 27 pays de l’Union.
Dans son budget, la Commission se fonde sur une hypothèse d’inflation de 2 % par an. C’est le cas pour les montants relatifs au CFP 2028-2034, ici exprimés en euros courants.
1. Plus de 150 milliards d’euros pour l’énergie et le climat
Le financement des projets relatifs à l’énergie et au climat pour la période 2028-2034 est réparti entre de nombreuses enveloppes qui, selon nos calculs, atteignent un total d’environ 158,2 milliards d’euros – un montant qui ne tient pas compte de nombreux programmes relatifs à des secteurs dont l’impact climatique est important, comme les transports ou l’agriculture par exemple.
Le nouveau Fonds pour la compétitivité est issu de la fusion de plusieurs programmes existants, dont le programme Life pour l’environnement et le climat, Horizon Europe ou le Fonds pour l’innovation, financé par les recettes du marché du carbone (ETS) de l’UE. Le Fonds pour la compétitivité sera doté de 409,3 milliards d’euros, dont 67,4 consacrés à la transition propre et à la décarbonation de l’industrie. La banque de la décarbonation industrielle, annoncée dans le pacte pour une industrie propre de février, relève de la gouvernance de ce fonds. L’efficacité énergétique, le stockage, le chauffage et le refroidissement, l’électrification et les technologies zéro net figurent dans la liste des secteurs qui devraient bénéficier du soutien du fonds.
Le Mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE), qui finance les infrastructures transfrontalières d’énergie et de transport, reste une enveloppe distincte, avec 29,9 milliards d’euros alloués spécifiquement à l’énergie. Une belle augmentation par rapport au budget actuel, dans lequel l’enveloppe de la branche énergie du MIE était de seulement 5,18 milliards d’euros.
Le Fonds social pour le climat est intégré dans une enveloppe plus large consacrée à la « Cohésion économique, sociale et territoriale, à l’agriculture, à la prospérité et à la sécurité rurales et maritimes », mais conserve sa section, dotée de 50,1 milliards d’euros. L’enveloppe du Fonds social pour le climat, qui était initialement prévue pour 2026-2032, est donc maintenue. Le Fonds pour une transition juste, doté de 7,5 milliards d’euros pour la période 2021-2027, semble avoir été fusionné avec cet instrument de financement plus large.
Les programmes de sûreté nucléaire et de déclassement reçoivent 966 millions d’euros, tandis qu’Euratom – qui soutient la recherche et l’innovation nucléaires – se voit allouer 9,8 milliards d’euros, dont 5,8 pour Iter, le programme international de recherche sur la fusion nucléaire. L’enveloppe Euratom, y compris Iter, pour la période 2021-2027 s’élevait à 6,757 milliards d’euros.
2. La partie énergie du Mécanisme pour l’interconnexion en Europe multipliée par cinq
La section consacrée à l’énergie dans le cadre du Mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE) voit, quant à elle, son enveloppe monter en flèche, avec 29,9 milliards d’euros affectés aux projets transfrontaliers.
« Nous aurons des réseaux électriques plus nombreux et de meilleure qualité, des interconnexions, des infrastructures de stockage d’énergie et d’hydrogène », a affirmé Dan Jørgensen. Les projets traditionnellement financés dans le cadre du MIE comprennent les réseaux d’électricité et de gaz intelligents, les réseaux d’hydrogène et les électrolyseurs, les infrastructures de transport et de stockage du CO₂, ainsi que certains projets d’interconnexion gazière bénéficiant de dérogations.
Tous les projets doivent impliquer au moins deux pays de l’UE, et parfois des pays tiers.
Aux prix de 2018, le MIE disposait d’une enveloppe de 5,18 milliards d’euros pour l’énergie sur la période 2021-2027, alors que les transports bénéficiaient d’une dotation beaucoup plus importante. L’infrastructure numérique, qui disposait auparavant de sa propre ligne budgétaire dans le cadre du MIE, a été transférée dans le Fonds pour la compétitivité.
Une partie des 67,4 milliards d’euros affectés à la transition propre et à la décarbonation industrielle dans le cadre du Fonds pour la compétitivité soutiendra également le déploiement des réseaux domestiques.
3. Financement de technologies nucléaires à l’horizon
Le prochain budget de l’UE permettra le financement de nouvelles technologies nucléaires : une éventualité longtemps jugée impossible, en grande partie à cause de l’opposition de l’Allemagne et de l’Autriche.
Ce tabou a été brisé par le nouveau Fonds pour la compétitivité, proposé par la Commission, qui consacre 67,4 milliards d’euros à la transition propre.
Comme rapporté récemment par Contexte, le nouveau programme basera son financement sur les technologies définies dans le règlement industrie zéro émission nette (NZIA) de 2024. Cela implique que la fission nucléaire et sa chaîne d’approvisionnement seraient éligibles.
Certains petits réacteurs et réacteurs modulaires avancés devraient se voir accorder le statut de projets importants d’intérêt européen commun (Piiec), ce qui leur permettra de bénéficier d’un financement complémentaire.
Toujours sur le plan nucléaire, le règlement régissant les fonds Euratom et la sûreté nucléaire sera présenté le 3 septembre, selon l’ordre du jour provisoire de la Commission.
4. Plus d’un tiers des financements à impact positif pour le climat et la biodiversité
Selon ces plans, « 35 % des nouvelles dépenses du CFP devraient satisfaire des objectifs liés au climat et à la biodiversité », a affirmé le 16 juillet la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, à la presse.
Cela représenterait environ 700 milliards d’euros qualifiés de « verts » sur les quelque 2 000 milliards d’euros de l’enveloppe septennale.
Dans le cadre du budget actuel, les objectifs sont fixés à 30 % pour le climat et à 10 % pour la biodiversité, bien qu’il n’ait jamais été très clair si les deux étaient cumulables.
Certains fonds devront même être encore plus verts, comme le précise une annexe au règlement encadrant la « performance » des dépenses budgétaires. Quarante-trois pour cent du Fonds pour la compétitivité devront être affectés à des objectifs écologiques et climatique.
Un objectif « vert » de 43 % s’applique également au nouveau « Fonds pour la cohésion économique, sociale et territoriale, l’agriculture, la prospérité et la sécurité rurales et maritimes », dont les décaissements sont liés aux plans de partenariats nationaux et régionaux. Le Mécanisme pour l’interconnexion en Europe, qui finance des projets transfrontaliers dans les domaines de l’énergie et des transports, est, quant à lui, soumis à un objectif de dépenses vertes de 70 %.
La Commission a également promis « un système de suivi amélioré » afin de mieux surveiller la part du budget de l’UE dépensée pour les priorités écologiques. Une nouvelle méthodologie est détaillée en annexe du règlement sur la « performance » des dépenses budgétaires.
Cette annonce fait suite au verdict cinglant de la Cour des comptes européenne sur le système existant. Dans leur rapport de 2024 sur la facilité pour la reprise et la résilience post-Covid, qui était également censée atteindre les objectifs écologiques, les auditeurs ont souligné un « niveau élevé d’approximation » dans le suivi des dépenses liées au climat et ont averti que cela pourrait conduire à une surestimation significative.
5. Revenus du carbone : une contribution annuelle d’environ 11 milliards d’euros
La Commission cherche à diversifier le financement de ses projets. Elle souhaite notamment collecter 58,2 milliards d’euros par an grâce à de nouvelles ressources telles qu’une taxe sur le tabac ou un prélèvement sur les entreprises (voir la décision sur les ressources propres).
Parmi ces ressources doivent figurer les recettes du marché du carbone – l’ETS1, qui couvre des secteurs tels que l’électricité, l’industrie et l’aviation – dont elle entend affecter 30 % à son budget. Elle estime pouvoir récolter environ 9,6 milliards d’euros par an sur une période de sept ans. « La plupart des recettes provenant de la mise aux enchères des quotas d’émission continueront à alimenter les budgets nationaux », indique le document de la Commission.
L’exécutif compte également prélever 75 % du total des recettes attendues du mécanisme carbone aux frontières (CBAM), appliqué sur certaines importations de biens dont la production est énergivore – tels que le ciment et les engrais –, ce qui devrait rapporter 1,4 milliard d’euros supplémentaire par an au budget de l’UE, selon les estimations de la Commission.
En revanche, comme Contexte l’avait rapporté récemment, la Commission ne cherche plus à utiliser les recettes de l’ETS2, c’est-à-dire l’extension du système d’échange de quotas d’émission aux bâtiments et au transport routier. L’ETS2 est très critiqué par de nombreux États membres, et la grande majorité d’entre eux ne l’ont pas encore transposé dans leur droit national.
La Commission avait présenté ses estimations de recettes issues du CBAM et des ETS1 et 2 en 2023 (lire ici, ici, ici et là).