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Cinq rapports pour les Allemands
Si les Allemands n’ont pas, en pourcentage, le nombre le plus important de députés en charge d’un dossier, ils ont récupéré le plus de rapports au fond : cinq, et pas des moindres. Sur le numérique, l’influence allemande au Parlement européen n’est pas une vue de l’esprit.
Deux textes sont pilotés par un duo de parlementaires allemands : la directive audiovisuel, dont les co-rapporteures sont Petra Kammerevert (S&D) et Sabine Verheyen (PPE), et la directive sur les contrats de fourniture de contenus numériques, prise en charge par Axel Voss (PPE) et Evelyn Gebhardt (S&D).
Certains eurodéputés allemands sont par ailleurs très spécialisés : Jan Philipp Albrecht (Verts) est le champion de la protection des données et Julia Reda (Verts) celle du droit d’auteur.
Jan Philipp Albrecht a été rapporteur du Parlement européen sur le règlement sur la protection des données, adopté en 2016. Julia Reda est l’auteure d’un rapport d’initiative sur le droit d'auteur.
Cette surreprésentation allemande, imputable entre autres au poids du pays au sein de l’Europe, n’est pas toujours du goût de tout le monde. Fin mai, en commission Affaires juridiques, Jean-Marie Cavada (ADLE) s’est agacé en évoquant le règlement câble et satellite :
Jean-Marie Cavada, rapporteur fictif pour l’ADLE, fait ici allusion à l’article 2 du texte, qui étend le principe du pays d’origine à certains services en ligne. Le règlement aurait été poussé par les radiodiffuseurs publics allemands, qui ont un intérêt à ce que leurs contenus soient diffusés le plus largement possible.
"La proposition du pays d’origine est en somme la construction d’un privilège allemand, qui a d’ailleurs été conduit par deux rapporteurs allemands de groupes différents […]. Je suis quand même stupéfait de cette affaire, qui n’a à mon avis aucune autre base qu’une sorte de construction au profit d’un radiodiffuseur allemand, dont nous savons bien que les rapporteurs sont eux-mêmes les administrateurs. J’en ai assez dit pour rendre toute cette affaire suspecte."
Les Français et les Estoniens également influents
Jean-Marie Cavada a été rapporteur au fond du règlement sur la portabilité des contenus, que nous n’avons pas intégré car les négociations en trilogue sont terminées.
Seul un eurodéputé français, Philippe Juvin (PPE), est co-rapporteur au fond d’un texte numérique : le rapport d’initiative – par définition non contraignant juridiquement – sur les plateformes. En revanche, les Français sont plus présents en tant que rapporteurs fictifs, principalement sur les dossiers droit d’auteur (Jean-Marie Cavada pour l’ADLE, Constance Le Grip pour le PPE, Virginie Rozière pour le S&D). Ce qui est logique, car la France est particulièrement présente sur ce sujet au sein du Conseil.
Les Estoniens sont les plus représentés en pourcentage : 50 % des eurodéputés du pays ont un rapport – au fond, pour avis, ou en tant que rapporteur fictif. Marju Lauristin (S&D) est en charge du règlement e-privacy, l’un des dossiers les plus observés au Parlement européen. Une autre Estonienne, Kaja Kallas (ADLE) est rapporteure pour avis du même texte au sein de la commission Industrie. Elle est par ailleurs rapporteure – fictive ou pour avis – de pas moins de six textes. Les Estoniens sont réputés très en avance sur les questions numériques – l’Estonie est parfois surnommée E-stonia. Le vice-président de la Commission chargé du Numérique, Andrus Ansip, est également originaire de ce pays.
La Pologne se distingue de plus en plus
Les Polonais aussi se distinguent, ils sont responsables de deux textes. Roza Thun (PPE) a obtenu le rapport sur le géoblocage et Michal Boni (PPE) le rapport d’initiative sur la 5G. Lidia Geringer de Oedenberg (S&D) est rapporteure fictive sur la controversée directive droit d’auteur, où elle défend des positions proches de celles de Therese Comodini Cachia (PPE), qui est en charge du texte.
La Pologne est également active sur le numérique au Conseil. Elle a notamment été à l’initiative des actions menées par certaines capitales pour pousser la Commission européenne à présenter une législation sur la libre circulation des données. Après le Brexit, Varsovie espère reprendre la place de Londres comme défenseure de la nouvelle économie numérique au sein du Conseil.
Le même raisonnement s’applique avec les Britanniques et l’ECR.
Les Italiens sont très représentés en nombre, mais moins en influence. Plus d’un tiers des eurodéputés italiens sont rapporteurs fictifs pour l’ELDD, qui est un petit groupe où l’Italie est surreprésentée (15 parlementaires sur 42). Comme chaque groupe doit avoir un rapporteur fictif, les probabilités pour qu’il s’agisse d’un Italien sont plus grandes. Cependant, Nicola Danti (S&D) est rapporteur du rapport d’initiative sur l’économie collaborative et Patrizia Toia (S&D) était en charge du règlement sur la bande des 700 MHz, que nous n’avons pas retenu dans notre liste.
Alors que la future commissaire au Numérique – Mariya Gabriel – est bulgare, le pays n’est pas très bien classé. Si ce n’est Eva Maydell (PPE), active sur les questions numériques, qui a défendu la libre circulation des données et est rapporteure pour avis du règlement e-privacy en commission Marché intérieur.